Autrefois tout le monde naissait et mourrait à la maison. Quelles étaient alors au Pays Basque les traditions liées à la mort ?
Quand
quelqu’un mourrait dans une maison, le « premier voisin » (lehen auzo)
prenait les choses en main. Il habitait généralement la première maison à
droite en allant à l’église. C’est lui qui prévenait les autorités
civiles et religieuses, le docteur pour le certificat de décès, ainsi
que le menuisier pour le cercueil. Souvent le docteur restait manger
avec la famille. Le curé faisait sonner le glas. Après, bien sûr ça
paraissait aussi dans la « Petite Gironde ». Le premier voisin, on
l’appelait aussi le porteur de croix ; en effet, après avoir prévenu le
curé, il ramenait la croix de l’église chez le mort. Il prévenait tout
le monde, famille et autres voisins et quand le défunt avait des ruches,
il prévenait également ses abeilles.
Ginette :
Il fallait d’abord aller trouver Sainbois qui était le sonneur de
cloche pour qu’il sonne le glas. Mon père, qui était coiffeur, allait
souvent, avec une religieuse raser le mort et lui faire la toilette.
Il
n’y avait pas de funérarium, on gardait le mort à la maison. On fermait
tous les volets de la maison, on arrêtait les horloges et on couvrait
les miroirs. Le défunt reposait dans ses plus beaux habits, sur le lit
fait avec de beaux draps blancs brodés, parsemé de fleurs et entouré de
cierges et la croix ramenée par le premier voisin posée derrière le lit.
Sur une table on mettait l’eau bénite et une branche de buis, pour que
les visiteurs puissent bénir le mort. On le veillait deux jours entiers,
en se relayant pour ne pas le laisser seul (mais parfois on s’endormait
dans le fauteuil). Il y avait beaucoup de visites pendant ces deux
jours, parfois jusqu’à 9h du soir ! On offrait toujours du café, du vin
du pain et du fromage… On pouvait entendre les prières à voix haute dans
toute la maison. Les visiteurs « donnaient des messes », et leurs noms
étaient ainsi écrits sur une liste.
Pour
l’enterrement, chez nous c’était Charritton qui venait avec les chevaux
et le corbillard voilés de draps noirs. Il n’y avait pas de pompes
funèbres, c’étaient les voisins qui portaient le cercueil. Le curé
s’asseyait à côté du cocher. C’est qu’il y avait parfois un long trajet.
Laurent se rappelle, étant gosse, avoir porté les cierges depuis les
flancs de l’Ursuya, jusqu’à l’église d’Hasparren ! Le premier voisin
portait la croix, entouré par les enfants porteurs de cierges. Les
femmes de la famille et les premières voisines portaient des mantelets
(mantaletak) sortes de capes noires avec un voile, qui descendaient
jusqu’au sol et cachaient toute la personne, « on n’y voyait rien ! » La
première voisine portait un panier avec les bougies de deuil (ezkoak).
Les hommes de la famille et des premiers voisins portaient une courte
cape noire plissée (taulierra) qui couvrait les épaules et les bras et
qu’ils retenaient avec le bras droit. Ces vêtements de deuil étaient
conservés de générations en générations dans les familles, ou prêtés par
des voisins, ou loués par les religieuses. Les voisines moins proches
ou les connaissances portaient une mantille ou un crêpe noir. C’était un
vrai calvaire quand on venait de loin et qu’il faisait chaud !
Les
enterrements avaient toujours lieu le matin. Le curé, du haut de sa
chaire, faisait l’éloge du défunt. La messe n’en finissait pas car il
fallait lire la liste des noms de ceux qui avaient donné des messes. La
liste de ces noms était affichée dans le porche de l’église et conservée
par la famille, car après, il fallait « rendre ». Le défunt laissait
d’ailleurs des legs pour les saints sacrements. Au cimetière, chacun,
selon ses moyens avait un caveau, plus ou moins richement décoré. Les
fossoyeurs étaient employés par la ville. Après on avait le repas à la
maison, très souvent de la poule au riz (ou du rôti de veau) et de la
coque au lait au dessert. A la fin du repas on se levait pour chanter le
requiem et parfois les disputes arrivaient avant la fin du repas !
Les
femmes portaient le mantelet tous les dimanches à la messe pendant le
deuil (un an, plus six mois de demi-deuil). Pendant le deuil, elles
allumaient les rouleaux de cire (ezkoak) qui brûlaient ainsi sur un
petit mouchoir blanc et noir posé sur la chaise, pendant les messes, les
mercredis, vendredis et dimanches.
Pour la Toussaint, il
y avait des gens de Bonloc qui cultivaient des chrysanthèmes. Ils
s’installaient devant l’église pour les vendre. Il y en avait moins que
maintenant car les gens portaient des fleurs de chez eux. Le cimetière,
quand il pleuvait, c’était un vrai bourbier. Toutes les familles
venaient fleurir leurs morts.
A
l’église les familles avaient leurs chaises. Mais en cas de litige, il y
avait une chaisière qui louait des chaises. Gracie se souvient de sa
grand-mère, qui était d’Arraute, près de St Palais. Venant d’un petit
village, pour elle, Hasparren c’était la grande ville. Un dimanche de
fête, se croyant toujours à Arraute, où il y avait des chaises sans nom,
elle arriva à l’église et prit une chaise. Seulement quand la famille à
qui était la chaise arriva, on la fit sortir. Mémé fut bien sûr très
vexée ; elle fit venir la chaise qu’elle avait à Arraute, et le dimanche
elle allait à la messe en portant sa chaise !
Dans
les églises basques, il y a des galeries en hauteur où vont les hommes
et les femmes restent en bas. Quand on était jeune, se souvient Ginette,
les hommes, ils voyaient bien d’en-haut et ils savaient où on était… et
on recevait parfois des petits billets doux !
Pour
la grand-messe de la Toussaint, il y avait l’offrande des hommes. Et le
lendemain pour le jour des morts, c’était l’offrande des femmes. Les
personnalités, les gens importants, occupaient les premiers rangs. Au
cimetière, il n’y avait pas autant de caveaux que maintenant. Beaucoup
étaient ensevelis dans la terre.
Ginette, Janine, Kattalin, Ursule, Yvonne, Amélie, Mayie, Mado, Laurent et Gracie
EHPAD Larrazkena - Hasparren