Légende : La Dernière Veillée des Jentilak

Il était une fois, au cœur des montagnes du Pays basque, un village reculé où vivaient les jentilak, des géants bienveillants. On disait qu'ils avaient habité ces terres bien avant l'arrivée des hommes, guidant les animaux et les éléments pour maintenir l’équilibre de la nature.

La Dernière Veillée des Jentilak
Parmi eux, un géant nommé Ortzi était le plus sage et respecté. Il veillait sur un mystérieux dolmen au sommet de la montagne, que l’on appelait le Dolmen de la Lune. Ce dolmen, fait de trois pierres massives surmontées d'une lourde dalle, avait été érigé par les jentilak des temps anciens. Il était dit que la pierre du dessus avait été arrachée d’un flanc de montagne et transportée par Ortzi lui-même, sous la lumière argentée de la lune.

Le dolmen était bien plus qu’un simple monument de pierre. Selon la légende, chaque nuit de pleine lune, il s’ouvrait sur un passage secret menant à un monde souterrain, le royaume d'Ilargi, la déesse de la Lune. C’était un lieu où le temps n’existait pas, où les étoiles brillaient de mille feux et où la nature conservait sa magie première. Seuls les jentilak pouvaient emprunter ce passage pour apporter des offrandes à Ilargi et s’assurer de la bénédiction de la lune sur les terres du Pays basque.

Cependant, un soir d’hiver, un jeune berger du village, nommé Antton, aperçut Ortzi gravir la montagne sous la lueur blanche de la pleine lune. Intrigué par les récits que lui contait son grand-père sur les jentilak, il décida de le suivre discrètement. Arrivé au sommet, il observa Ortzi posant une offrande sur le dolmen, qui s’ouvrit pour révéler une lumière éblouissante et une brume scintillante s’élevant du sol.

Mais en voulant s’approcher pour mieux voir, Antton fit rouler une pierre sous son pied, et le bruit alerta Ortzi. Le géant se retourna et aperçut le jeune homme. Plutôt que de se fâcher, Ortzi le regarda longuement, les yeux emplis de tristesse. Il lui expliqua alors que la présence des hommes au sommet de la montagne rompait l’enchantement millénaire. Le passage vers le monde d’Ilargi se refermerait pour toujours et les jentilak, désormais sans lien avec la lune, devraient quitter les montagnes pour rejoindre les terres lointaines.

Antton, pris de remords, supplia Ortzi de le laisser réparer son erreur. Mais le géant secoua la tête et lui dit que ce qui était fait ne pouvait être défait. Pourtant, dans un dernier geste de compassion, il confia au jeune berger une pierre blanche tirée de la dalle du dolmen, qu’il devait enterrer près de son village. « Tant que cette pierre restera cachée, la bénédiction de la lune veillera sur votre peuple, même après notre départ », lui dit Ortzi.

Le lendemain, les jentilak disparurent des montagnes, et le dolmen devint silencieux, ne s'ouvrant plus jamais sous la lune. Antton enterra la pierre comme le lui avait demandé Ortzi, et la bénédiction se répandit sur le village. Les récoltes furent abondantes, et les tempêtes passèrent sans toucher les champs.

Mais avec le temps, la légende du dolmen et des jentilak se perdit, tout comme l’endroit où Antton avait enterré la pierre blanche. Aujourd’hui, seuls les anciens racontent encore que, les nuits de pleine lune, on peut entendre le souffle d’Ortzi porté par le vent, un murmure qui rappelle aux hommes qu’ils ne sont jamais seuls sous la lumière de la lune.

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